Grèce : sortons de la crise par l’investissement

Dans une tribune publiée aujourd’hui sur le Huffington Post, Jean-Christophe Fromantin, Nicole Fontaine, Christian de Boissieu et Philippe Giry-Deloison proposent une solution positive et européenne à la sortie de la crise en Grèce :

La situation grecque interpelle l’ensemble des Européens sur leur capacité à sortir d’une crise dont les effets négatifs risquent d’être autant politiques que économiques. Il est de notre devoir d’en sortir par le haut.

Le vrai problème de la Grèce est de retrouver une perspective de croissance afin de générer des marges de manœuvre pour rembourser sa dette et redonner confiance à sa population. Aujourd’hui, force est de constater que la situation est bloquée. La dette grecque dépasse 300 milliards d’EUR, l’Etat doit rembourser plus de 8 milliards d’EUR avant le 20 août prochain, le PIB de la Grèce a perdu près d’1/4 de sa valeur et la situation sociale du pays est très préoccupante. Ni les injonctions légitimes de la « troïka » (ou ce qui en tient lieu …), ni les réponses des grecs de refuser les réformes structurelles ne permettent aujourd’hui de sortir de la crise. Ni les unes, ni les autres ne portent en elles les composantes d’une reprise de la croissance et de la confiance en Grèce. Il est urgent de s’extraire de cette impasse et de retourner la situation pour engager le pays sur une trajectoire positive plutôt que sur une pente déflationniste aux effets ravageurs. La seule solution pour y parvenir est de relancer les investissements afin de réamorcer l’économie du pays. Une nouvelle voie à l’impasse actuelle consisterait à transformer une partie de la dette grecque en investissements d’avenir. Et d’opérer une réallocation de fonds à l’investissement – producteur de richesses – pour financer un programme de relance, au détriment du remboursement immédiat de la dette qui n’a pas d’effet sur la croissance du pays. La « troïka », avec les pays qui détiennent l’essentiel de la dette, pourraient alors proposer à l’Etat grec de convertir tout ou partie de sa dette dans un vaste programme d’investissements structurants pour le développement du pays : les infrastructures de transport et portuaires, les équipements touristiques et plus généralement les activités productives à impact significatif sur le PIB pourraient bénéficier ainsi d’un puissant électrochoc. Les investissements seraient sélectionnés en fonction de deux coefficients multiplicateurs : le premier sur l’emploi, afin de sortir des tensions sociales du pays, et le second sur la rentabilité, afin de dégager des marges supérieures au service de la dette et d’accompagner un plan de rééchelonnement adapté à la situation. Les créances détenues viendraient ainsi alimenter un projet de développement dont les rendements serviraient de base au processus de remboursement. L’effet multiplicateur des investissements serait d’autant plus fort en Grèce que le pays est exsangue d’opportunités de croissance.

Ce nouveau « mémorandum à effet positif» aurait trois avantages : il éviterait que l’argent des créanciers ne se retrouve dilué dans des dépenses de fonctionnement en pure perte pour l’avenir de l’économie grecque – comme on peut encore le craindre compte-tenu de l’incapacité politique des gouvernants à mettre en œuvre les réformes indispensables – sans pour autant renoncer au remboursement ; il enclencherait des effets de levier, à partir des excédents primaires, auxquels pourraient participer les banques grecques, qui disposent encore de réelles capacités d’investissements, mais aussi les investisseurs privés qui s’intéressent aux atouts de l’économie grecque ; il ouvrirait enfin une dynamique vertueuse qui permettrait de justifier les réformes structurelles indispensables et de compenser progressivement les efforts demandés à la population par des perspectives de croissance et d’emploi.

Un comité d’engagement et de suivi des investissements devrait être mis en place et être composé des autorités grecques et des représentants de ses principaux créanciers.

Cette proposition de conversion réduirait le risque financier global de la Grèce à moyen et long terme, par la constitution d’actifs productifs alors que le remboursement trop rapide de la dette ne réduit le risque qu’à court terme. Cette conversion vers l’investissement est sans doute l’une des rares voies pour sortir positivement d’une situation dont tout laisse à penser qu’elle peut se transformer en une crise européenne majeure si jamais les parties persistent dans les postures actuelles. Une sorte de Grex’in, plutôt que le Grex’it …

http://www.huffingtonpost.fr/jean-christophe-fromantin/sortir-de-la-crise-grecque-par-des-investissements_b_7612230.html?utm_hp_ref=france

Jean-Christophe FROMANTIN, Député des Hauts-de-Seine

Nicole FONTAINE, avocate, ancienne présidente du Parlement européen

Christian de BOISSIEU, professeur à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne et au Collège d’Europe à Bruges

Philippe GIRY-DELOISON, senior advisor d’une banque d’affaires

Une réflexion au sujet de « Grèce : sortons de la crise par l’investissement »

  1. J’ attends de Monsieur Fromantin, qui a montré le courage de sortir des sillons politiques habituels de sa famille, une réflexion politique sur l’avenir de l’UE et la nécessité de réformer des pratiques doctrinaires contraires aux principes du libéralisme économique et de la démocratie politique.
    Pour que ces propositions économiques, insuffisamment développées, présentent une apparence de générosité et de réalisme, il faudrait oublier la déclaration maladroite d’un refus de la Grèce de pratiquer des réformes structurelles. Suivant le canon du FMI, ces réformes furent mises en place, avec les effets désastreux que nous observons.
    Est-il raisonnable de voir le FMI servir la soupe à la BCE et la BCE agir comme un factieux politique?

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