Réaction suite à la publication du palmarès de la Fondation Abbé Pierre

Mercredi 10 janvier, la Fondation Abbé Pierre a publié un palmarès intitulé « Loi SRU : des centaines de cancres malgré une bonne loi ». Vous trouverez ci-dessous le courrier adressé par Jean-Christophe Fromantin, Maire de Neuilly-sur-Seine, vendredi 12 janvier, au Président de la Fondation, dans lequel il dénonce un palmarès injuste qui fait abstraction des réalités. Ainsi, sur les dix dernières années, le taux de logements sociaux a doublé à Neuilly-sur-Seine et 75 % en moyenne des logements neufs réalisés chaque année sont des logements sociaux.

Monsieur le Président,

Votre Fondation a publié le 10 janvier un palmarès nommé «  Loi SRU : des centaines de cancres malgré une bonne loi »  pour dénoncer les villes qui ne remplissent pas leurs obligations en matière de production de logement social. Vos conclusions sont largement reprises par la presse dans de nombreux articles aux titres chocs qui mettent au pilori les villes en tête de votre palmarès, dont évidemment celle de Neuilly-sur-Seine.

La ville de Neuilly-sur-Seine est classée dans la catégorie des villes « récalcitrantes ». Récalcitrant s’utilise pour définir une personne qui résiste avec opiniâtreté, qui se refuse avec entêtement. Vous faites une erreur en assimilant la ville à cette catégorie. Votre présentation est profondément malhonnête parce qu’elle ne distingue pas les villes de bonne foi, des communes de mauvaise volonté ; parce que vous raisonnez « en stock », jamais « en flux » et que vous ne considérez pas les situations et réalités locales telles que les disponibilités foncières, le rythme des constructions de logements neufs, la densité de population etc. A Neuilly, sur les dix dernières années, le taux de logements sociaux a doublé et 75 % en moyenne des logements neufs réalisés chaque année sont des logements sociaux, bien au-delà des exigences de la loi. Il y a plutôt un entêtement de ma part à sans cesse étudier la réalisation de logements sociaux, mais voilà, les opportunités sont rares. Une ville ne respecte pas les impératifs chiffrés imposés par la loi, elle est donc un « mauvais élève », un « cancre » et refuse, nécessairement par principe, les logements sociaux sur son territoire. Votre sentence est sans nuances ; pas de circonstances atténuantes dans votre jugement.

Non seulement vous dénoncez mais vous appelez à des sanctions plus sévères : s’agissant de Neuilly-sur-Seine, il faudrait non pas tripler, mais quintupler les pénalités parce qu’elle est « multirécidiviste » et ne réalise que 15 % de son programme triennal. Vous ferez le même constat dans trois ans : le seuil de 25 % ne sera pas atteint, tout simplement parce qu’il est structurellement inatteignable dans ma commune.

Votre palmarès est injuste parce qu’il fait abstraction des réalités. Que la ville soit au cœur d’une métropole dense, de construction récente, sans terrains disponibles, ni friches immobilières, avec des charges foncières très élevées…. peu importe ; qu’elle se débrouille ! Imposer les mêmes seuils à tous les territoires sans tenir compte de leurs caractéristiques physiques est simpliste.  Sanctionner parce que des objectifs irréalistes fixés unilatéralement sont inatteignables est contraire à tout bon sens.

L’Etat pourra continuer à augmenter les objectifs et multiplier les sanctions, mais cela n’accélérera en rien le rythme de construction de logements sociaux sur le territoire communal. L’Etat a récupéré pour la ville de Neuilly le droit de préemption depuis plusieurs années sans pour autant réussir à augmenter la production. L’Etat à la manœuvre a démontré qu’il n’était pas plus efficace que la Ville de Neuilly-sur-Seine et prôner la substitution du préfet aux maires récalcitrants pour construire les logements sociaux manquants ne relève que de la démagogie et laisse sous-entendre qu’il y a des solutions que l’Etat lui-même n’a pourtant pas réussi à mettre en œuvre à Neuilly !

Je pense que la Fondation Abbé Pierre a mieux à faire qu’à dresser un tel palmarès et à distribuer les mauvais points. Elle pourrait plutôt être force de propositions réalistes pour sortir du dogmatisme administratif de la loi SRU. J’avais, en tant que député, porté un certain nombre de propositions concrètes à l’occasion des débats parlementaires sur la loi Duflot. Je suis tout disposé à les évoquer avec vous dans un esprit constructif.

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