Ma tribune dans Marianne : le renouveau économique est l’ambition culturelle vont de pair

« Il faut avoir en vue, dans toute innovation susceptible de répercussions sociales, un arrangement permettant aux êtres humains de reprendre des racines ». Cette approche de Simone Weil dans l’Enracinement[1]dénonce les risques d’indifférenciation liés au nivellement métropolitain. Le développement des cultures et la prospérité de nos territoires sont les remparts contre ce risque de standardisation. Cet enracinement n’est pas assimilable à un repli sur soi, il s’intègre dans un processus d’échanges consubstantiel d’une mondialisation qui donne à chacun sa chance.

Nos cultures sont le socle d’une prospérité durable. Dans un monde global, la priorité est de redynamiser ce qui participe de nos avantages comparatifs. Faute de quoi nous observerons l’érosion de nos singularités et la perte de nos parts de marché. L’agroalimentaire, le tourisme, les transports, la santé ou le luxe sont autant de secteurs enracinés. Ils nous ont positionné au top de l’économie mondiale ; mais progressivement la globalisation nous exclut du podium. Principalement à cause de nos difficultés à maintenir une « compétitivité hors prix » au niveau de ce que notre culture nous permet d’atteindre. La dégradation progressive de notre balance commerciale témoigne de ce renoncement territorial.

Cette reconquête passe par un effort sans précédents de notre politique culturelle. Les monuments, les fêtes, les savoir-faire et toutes les filières économiques, enracinées dans notre héritage, constituent notre capital. Leur valeur immatérielle s’est façonnée  dans le terreau de l’histoire et de la géographie : Les performances de nos filières agroalimentaires doivent leur rayonnement à notre gastronomie ; notre tourisme est lié à notre patrimoine ; le rayonnement mondial du secteur du luxe s’inscrit dans notre artisanat d’art ; la vitalité des industries créatives trouve son origine dans nos formations dont la Renaissance a été un moment d’accélération ; les filières automobile ou ferroviaires ont progressé grâce à la diversité et à la complexité des territoires. On pourrait continuer la liste et vanter tout ce que notre géographie a suscité comme innovation ; ce que notre humanisme a généré en termes d’inventions et de progrès en matière de santé ; ou ce que nos 36.000 communes ont permis d’imaginer en termes d’architecture et d’ouvrages d’art. Il faut comprendre que notre développement s’est forgé sur un socle de valeurs, d’atouts et de handicaps auquel nous avons répondu avec ingéniosité et imagination. Aussi, la France, par sa géographie et son histoire, nous appelle à conserver cette exigence. Si demain nous désertons nos territoires, alors nous neutraliserons toutes ces particularités qui ont fondé la créativité et l’audace économique de notre pays. Nous nous laisserons diluer dans une compétition métropolitaine, globale et indifférenciée.

Une des principales orientations des politiques publiques doit s’attacher à revitaliser nos atouts par une ambition renouvelée de l’action culturelle dans tous nos territoires, mais aussi au cœur des apprentissages et aux côtés des entreprises. Les villes moyennes, par leur maillage, leur diversité et leurs échelles offrent cette prise à une économie renouvelée. Les technologies aussi fournissent des leviers nouveaux au service d’une réitération de l’économie.

 

Jean-Christophe Fromantin, avec 150 élus et personnalités, a lancé un mouvement de mobilisation en faveur des villes moyennes : www.villesmoyennes.org

[1] L’enracinement, prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain – Simone Weil – Editions Gallimard 1949

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