Ma tribune dans l’Opinion …

La prospérité de la France passera d’abord par le réinvestissement de ses territoires

Depuis quelques jours, un slogan émerge dans les rues : « Avec vous ». Comment pourrait-il en être de la France sans chacun d’entre nous ? Suffirait-il d’une accroche, voire d’une injonction pour conjurer la défiance des Français vis-à-vis de la politique ? Probablement pas. C’est dans une autre préposition et un autre pronom que se retrouve une majorité de Français – qu’il faut comprendre à la fois comme un constat et une alarme – : « Sans nous ! » Le dernier baromètre de la confiance du Cévipof, les niveaux d’abstention des derniers scrutins, ou tout simplement le défaut d’enthousiasme, sont les marqueurs d’une démission.

La France se reconstruira dans un autre appel, qui résonne comme une invitation, plus horizontale, plus fraternelle : « Ensemble ». Celle par laquelle les destins individuels se combinent avec celui de la France ; celle par laquelle chaque énergie et chaque talent sont les moteurs d’un dessein commun ; celle par laquelle la démocratie s’incarne dans un projet au sein duquel les aspirations individuelles et l’avenir du pays font réellement corps. Celle qui amène naturellement vers une question fondamentale, absente du débat : Vers quel projet de société allons-nous ?

 

Les crises à répétition, financières, environnementales, sanitaires ou sociétales, caractérisent l’obsolescence d’un cycle. Or, indiscutablement, la campagne présidentielle reste encalminée dans le vieux logiciel. Elle parle à des Français plutôt qu’aux Français. On s’emballe sur des chiffres, des taux, des pourcentages ou des indices ; on s’étrille sur des bataillons de fonctionnaires, en plus ou en moins ; on promet des milliards, des aides ou des financements. Or, les curseurs paramétriques ne sont que des moyens ; et une question persiste : La politique en vue de quoi ? Ne vivons-nous pas un remake laborieux des dernières campagnes du XXème siècle plutôt que la première véritable campagne du XXIème siècle ? Les enjeux et les attentes mériteraient pourtant qu’elle advienne.

 

Depuis quelques années, avec des élus et de nombreuses personnalités de la société civile – dans le cadre de Territoires en Mouvement – nous avons la conviction que le renouveau politique s’incarnera dans la géographie ; à l’instar de l’expression de Simone Weil au Général de Gaulle au sujet du redressement de la France en 1942 : « Donnez aux Français à aimer la France ». Fort d’une nouvelle société que les Français dessinent, à la fois enracinée et ouverte au monde ; sensible à l’environnement et à son impact sur la qualité de vie ; en attente d’une offre de services équitable et moderne. Avons-nous conscience de cette évolution ? Car, faute d’entendre ces nouvelles aspirations, nous privons la France de l’énergie des Français, et nous les dépossédons des ressources du pays. Or, aucune politique sociale, industrielle, d’innovation ou écologique n’est durable si elle n’est adossée à un projet de société solide, visionnaire et assumé. C’est une question d’équité et de cohérence. En rédigeant en octobre dernier « La promesse des territoires »[1], en mettant aujourd’hui en débat des propositions concrètes, nous fixons trois priorités dont nos territoires sont le socle.

 

La première tient aux nouveaux équilibres socioéconomiques. Le constat est préoccupant : la croissance est plus conjoncturelle qu’organique, le déficit commercial devrait passer la barre des 100 milliards, le contrat social se dégrade, et les entreprises peinent à recruter – preuve d’un défaut d’anticipation des besoins de notre économie. Deux objectifs doivent se réconcilier – sur une inspiration que j’avais développée dans un essai en 2018, « Travailler là où nous voulons vivre »[2] : améliorer la qualité de vie des Français et promouvoir la compétitivité de la France. Les territoires sont à la croisée des deux contingences. Parce que les richesses dont ils sont dotés fondent les avantages comparatifs dont la France a besoin pour consolider durablement sa compétitivité ; parce que l’espace, l’habitat et les cultures qui déterminent notre géographie répondent de la qualité de vie à laquelle les Français aspirent ; mais aussi grâce aux promesses de l’innovation, dont l’armature en réseau permet de passer d’une société concentrée vers un modèle distribué, propre à stimuler ces deux objectifs fondamentaux. Les leviers de développement qu’entraine cette convergence sont considérables. Ils sont au cœur d’une révolution copernicienne qui démontre, s’il en est besoin, que la prospérité et le rayonnement de la France passeront d’abord par le réinvestissement de ses territoires.

 

La 2ème priorité est politique, et indispensable pour mettre en œuvre un nouveau dessein socioéconomique. Elle convoque la confiance. Or, ce n’est qu’à travers les acteurs de proximité, au plus près de là où nous vivons et des défis à relever, qu’une nouvelle trajectoire de confiance et de mobilisation fonctionnera. Réintroduire le primat de la proximité, appelle à ce que les partis lâchent prise, que les commissions d’investiture nationale ne se mêlent plus d’actions locales, et que la politique s’inspire davantage des réalités. Il faut mettre en œuvre les conditions d’une ouverture plus large et plus libre à l’engagement politique, dans les territoires, en dehors des partis dont l’avenir ne tient que par le fil des intérêts de ceux qui en vivent. Dans une contribution que nous avions rédigée en 2016 avec Jean-Dominique Senard pour l’Institut de l’Entreprise, intitulée « Réformer le réformateur »[3] nous préconisions plusieurs idées, dont celle de réorienter une quote-part du financement public de la vie politique vers les élus locaux. Cela permettrait d’attirer de nouveaux talents et de stimuler des rassemblements régionaux. Par leur engagement et leurs expériences, ils poseraient les bases d’un renouveau de l’action publique et d’une oxygénation du débat d’idées. Fort de deux axes de gouvernance qu’il nous appartiendra de restaurer : la subsidiarité et la contractualisation. L’un pour donner à chaque échelle les responsabilités et les moyens d’être efficaces ; l’autre pour assurer les meilleures synergies et effacer progressivement les redondances et les complications d’un système administratif suranné.

 

La 3ème priorité s’incarne dans l’organisation territoriale. Malgré les réformes qui se sont succédé, la France reste celle que César-François Cassini et son fils avaient dessiné au XVIIIème siècle, une carte géodésique, décalée face aux défis contemporains. Pour réinvestir les atouts qui caractérise notre géographie, la France doit s’incarner dans une carte isochrone dont les villes moyennes et les métropoles seront les pivots. Avec une promesse – dont la crise des Gilets-jaunes a révélé l’acuité : mettre chaque Français à moins de 20’ d’une ville moyenne et toutes les villes moyennes à moins d’une heure trente d’une métropole. En veillant à ce que l’une comme l’autre réponde des meilleurs standards de service public. Cette armature territoriale, distribuée, équitable, témoin des ressources de la France, permettra à chacun d’envisager librement son projet de vie. Grâce à la stabilité de cette organisation, des investissements pourront sereinement se réaliser. C’est à cette aune que les modalités de décentralisation, de gouvernance et de relations entre l’État et les collectivités devront alors se décliner. Afin d’opérer les investissements pour mettre à niveau les infrastructures et se doter d’une offre de services efficace et moderne, nous préférons l’épargne à l’impôt. Nous proposons de mobiliser 80 milliards via la création de Livrets d’épargne régionaux, similaires aux Livrets A, mais réservés aux habitants de chaque région. Ils garantiront à leurs souscripteurs que leur épargne viendra abonder l’aménagement des territoires au sein desquels ils vivent ; ils renforceront le sentiment d’appartenance en permettant à chacun de participer à la prospérité du territoire auquel il est attaché.

 

L’alignement des attentes individuelles et des enjeux collectifs se confirment. L’envie de proximité et la volonté de réinvestir notre géographie participent ensemble d’une formidable espérance sociale, culturelle et économique. Entendons cette aspiration des Français, faisons leur confiance et redonnons ensemble à la France une perspective d’avenir.

 

[1] https://www.territoiresenmouvement.com/

[2] « Travailler là où nous voulons vivre, vers une géographie du progrès » édition François Bourin

[3] https://www.institut-entreprise.fr/sites/default/files/2018-10/idep_ouvrirlemarchepolitique-web-v7_1.pdf

Une réflexion au sujet de « Ma tribune dans l’Opinion … »

  1. Toutes ces idées sont bonnes mais toute idée est désormais étouffée par l’agitation malsaine provoquée par une élection présidentielle dont les moyens sont un retour au pire de la politique politicienne de la III° République, les effets sont une division et un effritement de la Nation, le but toujours plus menaçant reste l’anarchie constitutionnelle.

    Sauvons une République, protégée par le parlement et l’action politique, quels que soient les défauts de ces vieux piliers; les bonnes idées seront alors utiles.

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