Il appartient au Président de la République de réconcilier ce qui s’oppose et d’en faire le point de départ d’un renouveau

La désespérance de ceux dont la violence est l’expression m’inspire un double sentiment de colère et de tristesse. Nous ne pouvons pas nous résigner à voir non seulement Paris en feu mais toute la France encalminée dans le doute et la défiance. Mais aux émotions doivent succéder l’esprit de responsabilité et le retour à la raison : c’est dans une volonté commune de réconciliation que nous devons nous engager.

Pour opérer cette réconciliation il convient de répondre à une double urgence, celle de l’instant comme celle de l’avenir, car l’un et l’autre sont – en particulier dans cette crise –intimement liés.

L’urgence d’aujourd’hui est de condamner la violence, sans réserve, et d’appeler à ce que la justice passe. Il revient aussi au Président de la République, dans un esprit d’apaisement, de suspendre les mesures incriminées et d’inviter au dialogue dans la sérénité.

Cette réconciliation passe par une autre urgence : celle d’une mise en perspective de ce que nous voulons faire de la France. Car, plus qu’une taxe de trop, c’est l’absence de perspectives pour des millions de Français qui sédimente depuis des années les inquiétudes dont les manifestations actuelles révèlent l’ampleur. Aller vers un monde plus durable est une nécessité, mais quel en sera l’impact sur les modes de vie des uns et des autres ? Quand cette orientation apparaît comme une régression plutôt que comme un progrès, il est légitime qu’elle suscite la colère de ceux qui ne voient dans cette injonction que ses effets négatifs. Ils n’en contestent pas la nécessité, mais force est de constater que la désindustrialisation, l’abandon des villes moyennes et la fermeture des services publics leur donnent raison. Ce sentiment de régression est d’autant plus perceptible que les stéréotypes de « bobos parisiens », de « start’uppers » ou de « néo-urbains » apparaissent comme les icônes du nouveau monde. Si on y ajoute un pouvoir incarné par une caste dont l’entre soi est une raison d’être, alors il est logique que l’inquiétude se transforme en colère.

La France n’est pas une « start’up nation ». Réduire sa géographie à un incubateur, cela revient à passer en pertes et profit ses atouts authentiques, sa culture et son héritage, mais aussi à exclure la majorité des Français d’un projet de société. Or, qu’y a-t-il de pire que de se sentir déclassé, oublié ou abandonné, si ce n’est de se sentir inutile ?

La France et les Français aspirent légitimement à participer au développement durable. Les idées même de prospérité et de pérennité participent de ce que chacun souhaite vivre. L’enjeu relève de notre capacité à intégrer cette idée dans un progrès partagé par tous. Nos territoires et nos métropoles, nos villes et nos villages, sont les composantes d’une même France, d’une même ambition et d’une même politique. Aimer la France suppose d’en apprécier toute la diversité et de faire en sorte que chaque Français en soit un des acteurs essentiels.

La crise actuelle est sans doute une opportunité ; celle de dessiner un modèle de société qui réconcilie ce qui aujourd’hui s’oppose : les Français et leur avenir dans la mondialisation; les territoires et les métropoles dans une nouvelle géographie politique; notre patrimoine avec ce que les technologies peuvent nous offrir pour qu’il rayonne davantage.

En expliquant aux Français qu’ils sont une chance plutôt qu’une charge ; en liant leur propre destin à celui de la France dans une ambition enracinée et visionnaire, le Président de la République doit faire de cette séquence le point de départ d’un renouveau.

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