La France est riche d’une diversité géographique qui a façonné son histoire et sa culture. Le temps a sédimenté ce patrimoine qui participe de notre fierté autant que notre développement et notre rayonnement à travers le monde. Nos territoires sont un formidable héritage autant qu’une promesse de progrès.
Notre socle territorial agit selon trois niveaux fondamentaux : Il fonde l’envie d’habiter, il façonne notre développement et structure nos institutions.
Habiter un lieu, une culture, un territoire est la clé de voute du projet de société. Or, progressivement, nous avons substitué à la notion d’habiter celle de se loger. Nous avons dérivé d’un fait culturel vers une approche utilitariste. Pouvoir habiter, c’est ouvrir à tous la possibilité d’un projet de vie, dans un village ou dans une ville, avec la perspective d’une expérience, de rencontres, d’adhésion à une culture et de proximité avec la nature. C’est « être au monde et à autrui » disait le philosophe Heidegger pour rappeler l’essentiel du fait d’habiter.
Notre développement économique est aussi enraciné dans la richesse culturelle et territoriale de la France. La rencontre entre nos cultures et les machines a généré l’industrie. L’innovation, les talents et le capital agissent comme des fertilisants pour valoriser nos savoir-faire et nos ressources. Or, la centralisation prive progressivement nos territoires de ces leviers de développement. La finance ou la tech se sont polarisés dans les métropoles jusqu’à s’imaginer être une fin au bénéfice de quelques-uns plutôt que des moyens au service de tous.
Les racines de notre organisation politique sont territoriales. Elles justifient le principe de subsidiarité. Or, depuis quelques années, la centralisation politique s’est imposée. Après les actes de décentralisation de 1982 et de 2003, l’État n’a eu de cesse de renforcer sa centralisation, d’abandonner les politiques d’aménagement du territoire, de diluer les compétences des collectivités et d’entraver leur autonomie. Dans leurs travaux, les lauréats du prix Nobel d’économie 2024 ont démontré combien le progrès était contingent d’une organisation décentralisée.
Les crises sociales, économiques ou politiques que nous traversons démontrent les limites de cette tension centralisatrice. Notre prospérité est en panne. Il est temps d’ouvrir l’ère de la reterritorialisation. Cette ambition passe d’abord par une grande politique d’aménagement du territoire. L’approche dite « chronotopique » qui consiste à mettre chaque Français, quelque-soit son choix d’habiter, à moins de 20’ des services de santé, d’éducation ou de développement est un principe essentiel de développement et d’équité. La seconde orientation passe par une meilleure distribution des leviers de production. Les talents, le capital et l’innovation doivent être distribués sur l’ensemble du territoire afin d’infuser nos atouts, nos cultures et nos savoir-faire. La troisième priorité est politique. L’écrasement des collectivités territoriales sous le joug d’un État central omnipotent, omniscient et dépensier réduit jour après jour les perspectives d’investissement et de développement des territoires. Il est urgent de repenser les échelles, les compétences et les ressources pour les rapprocher des lieux de vie et de prospérité.
Un acte de décentralisation est une étape technique nécessaire, alors qu’un acte de reterritorialisation est un projet politique. Or, c’est de politique dont la France a besoin pour relever les défis du XXIème siècle.
Publié dans La Tribune le 25 septembre 2025