Il y a faillite stratégique de l’Etat en matière de déploiement de la 4G et de la 5G

Ma tribune dans Le Huffington Post …

En 1960, le Gouvernement élaborait le premier plan routier pour la France ; en 1963, il se dotait d’un véritable outil programmatique d’aménagement du territoire ; à chaque fois il témoignait d’une vision stratégique de la France, d’une recherche d’équilibre et d’une exigence de développement pour l’ensemble de nos territoires. Pour autant, alors que s’amorçaient les premières concessions pour construire les autoroutes, il n’était pas imaginable de donner aux entreprises la liberté de réaliser la carte des liaisons autoroutières selon leurs propres critères. Cette idée – de laisser ou non les concessionnaires décider de l’aménagement du territoire –, si elle parait absurde, correspond néanmoins à ce que l’on vit depuis quelques années avec le déploiement des moyens de télécommunications.

A l’heure où l’avenir de nos territoires dépend de la qualité de leurs connexions, la carte du déploiement numérique est laissée à l’appréciation des opérateurs de télécommunication. Même si le Gouvernement s’en défend, s’il dit ne plus vouloir faire de la 5G un objectif budgétaire, il n’en demeure pas moins, qu’au-delà de quelques principes et des ratios que l’Arcep soumet aux opérateurs, aucune programmation territoriale n’est proposée. Rien n’est élaboré sur la base d’une perspective stratégique d’aménagement du territoire français. S’il est demandé aux opérateurs d’équiper au moins deux villes, de diversifier les sites, de s’intéresser aux axes de communication ou de mettre des fréquences à la disposition des industriels, aucune vision d’avenir, ni aucun maillage structurant n’est pour autant arrêté pour guider leurs investissements et donner un objectif politique à cette technologie.

Ce renoncement est particulièrement grave car il prive la France d’un levier indispensable à son développement. Quatre axes stratégiques, à échéances précises, devraient être soumis aux opérateurs : l’engagement ferme et préalable d’une mise à niveau de l’ensemble du territoire en 4G (la promesse du « new deal mobile » de 2018 ne semble déjà plus être respectée) ; l’équipement en 5G des chefs-lieux de département et de l’ensemble des 232 unités sous-préfectorales afin de doter nos villes-moyennes d’une qualité de débit, propre à assurer le développement de services publics innovants et d’usages professionnels de nouvelles générations (télémédecine, enseignement à distance, hyper-industrie, réseaux logistiques etc.) ; l’équipement des huit métropoles-pivots pour libérer le réseau 4G et permettre progressivement avec la 5G le déploiement de nouvelles fonctionnalités à forte valeur ajoutée ; la couverture des axes de déplacements prioritaires – entre les villes moyennes et les principales métropoles, au sein même des métropoles, et entre les métropoles – afin de préfigurer les réseaux des futures mobilités autonomes et durables.

Une vision et une définition claire et précise d’une stratégie territoriale française, carte à l’appui, sont aujourd’hui indispensables pour donner un véritable sens aux investissements numériques. Car la désertification accélérée des territoires et la saturation métropolitaine mettent les Français face à des choix cornéliens et menace nos équilibres économiques et sociaux. Le déploiement des fréquences, s’il ne participe pas d’une vision politique et stratégique de la France, risque d’amplifier les fractures territoriales plutôt que de les résoudre.

L’enjeu des 350 Mhz qui seront attribués dans les prochains mois doivent l’être, avant tout, à l’aune d’une ambition politique.

5 réflexions au sujet de « Il y a faillite stratégique de l’Etat en matière de déploiement de la 4G et de la 5G »

  1. J’ignore toujours si le président Sarkozy a pris le pouvoir à Longchamp ou si il est parti pour Bruxelles, démoralisé par le titre « No Future » de la REF.
    Malheureusement, ce mercredi, mon épouse était retenue dans un autre hangar et je souhaite trouver une transcription de la rencontre publique entre Guillaume Leroy, Olivier Horaist et notre maire.
    Après la stupidité socialiste et l’immobilisme lugubre Macronien, des nouvelles de ceux qui travaillent pour notre pays sont un réconfort, particulièrement pour les vieux qui redoutent la perspective d’une France verdâtre soumise à des fariboles défaitistes.

  2. M Fromantin ose parler d’une vision politique et stratégique de la France: dans des temps plus heureux ces propos de bon sens nous auraient rassemblés, aujourd’hui, ils provoqueront des grands cris de colbertisme ou stalinisme et M Fromantin sera promis au bûcher idéologique. Le fantôme de la gauche, pour montrer son admirable mue en social démocratie, le fantôme de la droite à la recherche de sa « dureté » n’ont plus pour pensée économique que des mesures anti-sociales. Toute idée de planification économique, d’aménagement du territoire évoquent la figure hideuse de l’Etat qui ne sait qu’étouffer le vertueux dynamisme des entreprise privées:l’ordre corrompt, le désordre féconde, tout le monde le sait.

    La pauvreté de notre vie politique n’est que l’effet du nihilisme idéologique triomphant: l’autorité de l’Etat s’exprime par un autoritarisme fiscal toujours plus affamé, notre industrie de défense est livrée au dogme européen, toutes nos grandes industries succombent au libéralisme dirigiste. L’essentiel demeure: ne pas laisser l’Etat se mêler des questions économiques, nationales ou territoriales.

    Michel Debré avait su imposer la rationalisation des choix budgétaires au ministère de la Défense nationale. Où sont les grands serviteurs de l’Etat? Où sont les politiques visionnaires?
    Nous avons M Fromantin, il reste aux courants historiques de notre vie nationale, gaullistes, centristes, socialistes, le devoir de restaurer notre économie, position moins élégante que celle de sauveur de la planète mais position plus utile.

  3. Bonjour, J’ai écouté ce que vous avez dit ce matin sur Europe1 et j’ai particulièrement apprécié. Tout à fait d’accord avec vous sur l’absence depuis déjà longtemps d’une politique d’organisation du territoire. Alors que, maintenant, contrairement au temps passé, nous disposons de tous les éléments pour faciliter cet aménagement. Nous nous privons ainsi de ce qui a, et de ce qui maintiendrait notre force et nos potentiels.
    Cela reste un mystère que votre suggestion pleine de bon sens ne soit pas entendue par les décideurs ?…

  4. Bonjour monsieur le maire
    Je suis au conseil national du numérique et je conduit actuellement avec ma collègue Annie Blandin une étude sur le déploiement du THD et la nécessité de revoir les stratégies en matière d’équité d’usage.
    Est-ce possible de vous rencontrer pour un échange (nous serons sur Paris 9/11/12 septembre
    Vous pouvez me contacter herve.pillaud@me.com

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