Interview au magazine LA VIE : On ne fait pas du neuf avec du vieux

Retrouvez l’interview de JC Fromantin sur le site de La Vie : « On ne fait pas du neuf avec du vieux » et ci-dessous :

Jean-Christophe Fromantin, député et maire de Neuilly-sur-Seine (92), est depuis un an à l’initiative d’un mouvement citoyen, les « 577 » (comme 577 députés) visant à réunir des candidats issus de la société civile aux législatives de juin. Lui-même a annoncé qu’il ne se présenterait pas pour un deuxième mandat. Dimanche se tiendra dans sa ville le meeting de lancement de la campagne de son mouvement pour les législatives. Pendant la présidentielle, ce catholique revendiqué, ancien chef d’entreprise, a soutenu François Fillon avant d’annoncer entre les deux tours qu’il voterait pour Emmanuel Macron.

Vous êtes à l’initiative d’un mouvement citoyen visant à présenter des candidats issus de la société civile aux législatives. La démarche d’Emmanuel Macron vous a-t-elle coupé les ailes ?

Elle nous a plutôt ouvert l’espace. Il y a une grosse différence avec Macron. Son initiative part de la présidentielle, de son projet de devenir président de la République. Il la décline désormais dans sa version législative avec l’idée de présenter des candidats issus de la société civile ou d’accords avec des partis. Nous, c’est l’inverse : on part de l’idée qu’il faut démarrer par les fondations. Le premier vecteur de reconstruction c’est de remettre les Français en situation de s’engager. Les deux initiatives procèdent donc de la même envie de renouveler la politique, mais elles ont deux points de départ différents. Nous, par le biais des territoires, « d’en bas », lui, par son accession à l’Élysée, « d’en haut ».

Quelle est votre place dans le champ politique tel qu’il a évolué ces derniers mois ?

Cette question en appelle une autre : Quelle idée nous faisons-nous du renouvellement politique ? Il se fera avec des gens nouveaux, pas avec des anciens, car on ne fait pas du neuf avec du vieux. C’est une position claire qui rejoint me semble-t-il celle du nouveau président de la République. Les questions qui se posent sur le profil du Premier ministre et de la politique qu’il mènera me laissent pour l’instant dans l’expectative. Il y a plusieurs configurations possibles : Va-t-il faire des choix audacieux ou recycler les ténors des vieux partis ? Son projet sera-t-il de droite, de gauche, des deux ? Si c’est un mixte de tout cela, ne sera-t-il pas un peu tiède par rapport à l’audace qu’appellent les réformes dont la France a besoin ? Enfin, un sujet me semble aujourd’hui prioritaire par rapport aux messages de Français au cours de la campagne, c’est la politique d’aménagement et d’organisation de nos territoires. Le Président est-il conscient de cet enjeu ? La cartographie du vote à la présidentielle montre avec une acuité particulière combien les territoires oubliés de la République sont en attente d’une réponse à leurs problèmes. En votant Mélenchon, Le Pen ou blanc, ils nous interpellent très directement. Le sentiment de résignation, de fracture territoriale a montré l’urgence du sujet. La réforme mère qui devrait inspirer le président de la République devra s’incarner dans un acte fort d’ambition territoriale.

« La responsabilité politique est universelle. Elle se construit sur l’idée que chaque citoyen peut prendre sa part, avec ses talents, ses compétences. »

Quelles sont vos divergences avec Emmanuel Macron ?

Il y a de ma part un doute sur cette ambition territoriale, une interrogation sur la profondeur des réformes et une divergence sur les sujets de société. Mais je sens de sa part un état d’esprit de réconciliation et de conciliation. C’est un homme d’écoute et de dialogue. Je l’ai vécu dans le cadre des discussions autour de la loi Croissance et activités (dite loi « Macron »). J’ai apprécié son pragmatisme et son ouverture quand je proposais des amendements sur des sujets aussi différents que le financement des entreprises ou le permis de conduire et qu’ils étaient soutenus par l’ex-ministre de l’Économie. Nous « co-construisions » un texte de loi. Il n’est pas dans ces postures de principe qui neutralisent trop souvent l’efficacité politique. Le débat politique prend de la hauteur quand on peut aborder les sujets les plus tendus avec l’idée d’avancer plutôt que de tirer des avantages personnels d’une position jusqu’au-boutiste. Je partage cet esprit entrepreneurial qui consiste à transformer les obstacles et les difficultés pour en faire des opportunités pour progresser ensemble, au service des Français.

Le renouveau politique par le biais de la société civile, est-ce ce qui permettra de redonner de la confiance aux citoyens ?

C’est un vecteur pour retrouver de la confiance, oui. Ce qui l’a cassée c’est la dualité entre la société civile et le monde politique, la reconnaissance y compris sémantique de cette dualité. Cela n’a pas de sens de laisser prospérer l’idée qu’il y a deux mondes, « la société civile » et le « monde politique ». La responsabilité politique est universelle. Elle se construit sur l’idée que chaque citoyen peut prendre sa part, avec ses talents, ses compétences, sa disponibilité. Certains se sont autoproclamés professionnels de la politique dans une relation type « clients/fournisseurs », le client étant la société civile… Dès lors que les politiques publiques ont enchainé les échecs, cela nous a mis dans une impasse. Désormais, les citoyens se regardent eux-mêmes et se disent que c’est à eux de prendre leur destin en main. Dans notre démarche de mobilisation, nous avons encouragé des Français à être candidats aux élections législatives. Macron a reçu plus de 19.000 candidatures. Nous en avons reçu 1600 et en avons confirmé une centaine. La différence c’est que nous n’avons pas mis en place une commission d’investiture parisienne comme dans les vieux partis politiques. Dans notre système, ce sont les électeurs qui investissent leur candidat. Chaque candidat devait trouver cent personnes pour le soutenir dans sa circonscription et 4000 euros de promesses de dons. Cela a découragé les velléitaires mais a donné un formidable élan à ceux qui atteignaient l’objectif. Car ils ne tirent pas leur légitimité d’une commission d’investiture, ni de l’effet de souffle d’un homme providentiel, mais de 100 électeurs qui croient en leur projet. C’est dans cette relation de proximité que la confiance se construit.

« L’électorat catholique peut trouver la réponse à ses interrogations dans les derniers grands textes de l’Église. »

L’électorat catholique semble déboussolé, quelle peut être la réponse politique à leur désarroi ?

L’électorat catholique peut trouver la réponse à ses interrogations dans les derniers grands textes de l’Église : l’encyclique de Benoît XVI sur la mondialisation (Caritas in Veritate, 2009), celle de François sur l’écologie (Laudato Si’, 2015) comme son exhortation apostolique (Evangelii Gaudium, 2013) donnent des éléments de discernement très limpides et très visionnaires. Libre à chacun de les découvrir et de trouver dans son for intérieur les critères de son vote à l’aune des propositions des candidats. Le bouleversement des repères droite-gauche, l’absence de consigne de vote, de lignes de partage claires, mais aussi les grandes transformations du monde, appellent cette exigence de discernement. Dans son Exhortation apostolique, François met clairement l’engagement politique au cœur de ses interpellations. Engagez-vous, ayez cette audace, dit-il. Évidemment, c’est exigeant mais tellement important.

Pourquoi les chrétiens doivent s’engager en politique, au-delà des engagements associatifs dans lesquels ils sont très présents ?

Ils doivent prendre conscience que le bien commun, la dignité de l’être humain, les relations entre les pays, entre les hommes s’incarnent dans bon nombre de grandes politiques publiques. Les chrétiens sont des citoyens engagés car ils ont la conviction qu’ils ont aussi le devoir de mettre leurs talents au service de leur pays. Ils sont aujourd’hui fortement interpellés pour mettre la politique dans le spectre des engagements qu’ils peuvent prendre.

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