Osons enfin la politique !

Si, pour une fois, l’échéance des présidentielles était l’occasion de répondre aux questions fondamentales qui sont au cœur des enjeux ? Si, pour une fois, on ajustait le casting au projet, plutôt que l’inverse ? Si, pour une fois, plutôt que des slogans sensationnels, des promesses démagogiques, nous essayions enfin d’approfondir, de regarder plus loin et de voir plus large pour envisager les solutions dont la France a besoin pour assurer sa prospérité ?

Si pour une fois nous donnions un peu d’épaisseur à la politique ? N’est-ce pas cette absence de vérité et de souffle qui éloigne les Français de la démocratie ?

 

Plusieurs facteurs incontestables de déclin méritent notre attention : Les services publics se dégradent avec les conséquences que l’on connait en matière de santé, de sécurité ou d’éducation ; des enjeux émergent comme le financement de la dépendance, sans que nous ayons beaucoup de solutions à proposer ; la compétitivité est en crise avec un décrochage exceptionnel de nos exportations qui témoigne de notre disqualification dans la mondialisation ; les comptes publics sont au rouge vif, avec une dette abyssale et des marges de manœuvre fiscales quasi inexistantes ; les investissements publics sont insuffisants pour assurer la transition énergétique et organiser l’aménagement du territoire auquel les Français aspirent. Le diagnostic est sans appel. Il démontre à la fois l’ampleur et l’urgence de la situation. Il est incontestable pour qui est de bonne foi. Reste à trouver les solutions, rapidement, car nous sommes à la fin du cycle.

Il n’est plus tant question d’un programme que d’un nouveau projet de société.

Dans son rapport sur l’après-crise, la Cour des comptes confirme l’urgence. Elle sollicite une trajectoire du déficit public à un étiage quasiment jamais atteint en trente ans ; ce qui prouve, s’il en est besoin, à quel point nous sommes encalminés. Les Français en sont conscients. Dans son dernier baromètre de la confiance, le Cevipof explique que la méfiance et le dégoût sont les termes qui caractérisent le mieux leur relation à la politique. La situation est intenable.

 

Je suis convaincu c’est qu’il n’y aura de solutions qu’avec l’adhésion des Français ; en les associant aux solutions. Pour y parvenir, ce ne sont pas des efforts et des larmes que nous devons promettre, mais l’inverse : L’alignement de leurs inspirations individuelles et des intérêts de la France. C’est en cela que les territoires offrent une réponse inédite. Ils sont à la fois les espaces au sein desquels les Français aspirent à vivre, et ceux à partir desquels la France restaurera ses avantages comparatifs ; ils ouvrent des opportunités d’investissement vecteurs de croissance, autant qu’ils motivent la mobilisation de l’épargne ; ils offrent un sens à l’innovation en convoquant la technologie au service des projets de vie plutôt que des fonds d’investissements ; ils sont une échelle de réconciliation avec l’environnement.

Pour arriver à ce niveau d’engagement, il faut s’extraire du débat réducteur qu’engendrent les partis politiques. Et de répondre à deux questions que posait la philosophe Simone Weil en 1940 : « Comment donner aux hommes qui composent le peuple de France la possibilité d’exprimer parfois un jugement sur les grands problèmes de la vie publique ? Et de compléter : Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, qu’il circule à travers lui aucune espèce de passion collective ? »

L’abstention relève probablement le rejet d’un système politique dont l’idéal est davantage tourné vers sa propre prospérité plutôt que vers le bien.

La philosophe pointait le risque de retournement de la relation entre la fin et les moyens et de rappeler que « le seul bien est une fin ».

Les partis politiques font des présidentielles un enjeu de pouvoir alors que nous avons besoin d’un projet. Ne les laissons par agir sans réagir. Ils stimulent les passions collectives là où nous avons besoin de discernement et de vérité. Ils privent les Français d’une perspective d’avenir alors que chacun aspire à bâtir un projet de vie. Il est temps de s’engager. Osons enfin la politique !

tribune publiée dans le magazine Marianne le 3 septembre 2021

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